NOUVELLE RUBRIQUE
STOP AUX IDÉES REÇUES
Premier cliché à abattre
Vin blanc = Migraines
C'est sûrement l’idée reçue la plus tenace et la plus ancrée dans l'inconscient du consommateur. Il faut dire que nos grands parents nous ont rabâché cela aux oreilles depuis des décennies et que la parole des anciens est sacrée : ils savent puisqu’ils ont l’expérience.
Pourtant, ce qui était envisageable à leur époque peut se révéler complètement faux aujourd’hui.
Essayons de répondre à cette problématique avec un peu plus d'objectivité.
Avant-propos
Cet article ne traite que d’une consommation de vins modérée et responsable.
Évidement qu’une « cuite » donne des migraines et plus …
Vous en doutiez peut-être.
Pourquoi le Vin Blanc ?
Parce que le vin blanc ne jouit pas du même aura que le vin rouge.
Le vin rouge possède une bonne image auprès du consommateur français. Ses qualités de protection vis à vis des maladies cardio-vasculaires sont relayées à longueur d'années par de nouvelles études. La presse nous abreuve des vertus des tannins du vin rouge. L'industrie pharmaceutique s'en est d'ailleurs vite emparée.
Le French Paradox, théorie selon laquelle il existerait un paradoxe entre la pratique alimentaire des français du Sud Ouest (riche en matières grasses et en vin rouge) et leur santé (moins d'infarctus, plus d'espérance de vie, ...) a de beaux jours devant elle.
D'ailleurs, il vaut mieux boire un Bordeaux que n'importe quel autre vin rouge, c'est meilleur pour la santé (Au secours !!!). C'est aussi la couleur de vin la plus appréciée en France. On ne jette pas une pierre à ce que l'on aime.
Face à cela, le vin blanc n'a que peu de place dans le cœur du consommateur. Il ne possède ni ces vertus, ni ces tannins. Il a plutôt mauvaise presse notamment à cause de l'anhydride sulfureux (ou sulfites) utilisé en plus grandes quantités pour le protéger que dans un vin rouge. C'est aussi le cas des vins rosés auxquels je réserve également un article prochainement.
Les anciens devaient avoir raison sur un point. Ils ont vu passer les plus ignobles piquettes et vinasses à leur époque. Les techniques viticoles et œnologiques ont fait des progrès ahurissants depuis l’après guerre. On maîtrise presque tout aujourd’hui. Or, au début du siècle dernier, l’anhydride sulfureux était l'unique remède à leur disposition, un remède miracle, et on n’hésitait pas sur les quantités. Les plus médiocres vendanges pouvaient être « sauvées » et on ne connaissait pas les effets possibles des sulfites sur l’homme.
L'anhydride sulfureux, le responsable ???
(Voir article sur les sulfites dans la nouvelle rubrique œnologie, à venir dans quelques jours)Avez vous des migraines lorsque vous mangez des chips, des crevettes, des pâtes, des cornichons ou encore des fruits secs, de la confiture, des caramels, des poissons séchés ou de la moutarde ? Ou lorsque vous buvez certains jus de fruits ? Ou du vin rouge ? (Liste non exhaustive)
Quel rapport me direz vous entre le vin blanc responsable de migraines, les produits cités ci-dessus et l'anhydride sulfureux ?
Réponse : tous ces produits en contiennent.
L’anhydride sulfureux porte différents noms : sulfites, dioxyde de soufre, soufre, acide sulfureux, agents de sulfitage, bisulfite de potassium/méta bisulfite, bisulfite de sodium/dithionite/méta bisulfite/sulfite, dioxyde de soufre, conservateurs E 220, E 221, E 222, E 223, E 224, E 225, E 226, E 227 et E 228.
Les additifs alimentaires E 220 à E 228 (codes européens) utilisés comme conservateurs et anti-oxydants dans ces aliments sont tous des sulfites (l'E 220 est l'anhydride sulfureux).
On retrouve donc des sulfites dans tous ces aliments et bien d'autres encore.
Les réactions aux sulfites sont dans la grande majorité des cas de nature non allergique : on parle alors d'intolérance. Il n’y a pas d’allergie prouvée aux sulfites à l'heure actuelle.
Il est prouvé que les sulfites peuvent provoquer des irritations gastriques et qu'ils peuvent détruire la vitamine B1 (ou thiamine). Chez certains asthmatiques (la population la plus à risque en matière d'allergie aux sulfites), les risques d'allergie peuvent provoquer la crise d'asthme et les réactions habituelles liées à n'importe quelle allergie, soit des bouffées de chaleur au visage, urticaire ou éruption cutanée, rougeur et démangeaison de la peau, enflure au niveau des yeux, du visage, des lèvres, de la gorge et de la langue, troubles respiratoires, difficulté à parler ou à avaler, anxiété, détresse, étourdissements, pâleur, sentiment d'alarme, faiblesse, crampes, diarrhée, vomissements, maux de tête, chute de la pression artérielle, accélération du rythme cardiaque, perte de conscience.
Une liste pas très rassurante.
Faisons un peu de calcul maintenant :
La règlementation est claire : pour les sulfites, la DJA ou Dose Journalière Admissible (dose d'additif qu'une personne peut ingérer tous les jours de sa vie sans risque appréciable pour sa santé, c'est à dire sans effet secondaire) est de 0,7 mg par kilogramme de poids corporel. Cette dose est cent fois inférieure à la dose pour laquelle on a vu apparaître un risque dans les études toxicologiques.
Selon l'aliment traité, les doses maximales autorisées sont variables :
Voici une liste des aliments ou Produits transformés contenant des sulfites et la concentration maximale autorisée par l'UE.
Abricots secs......................................................2000 mg/kg
Raisins secs........................................................1500 mg/kg
Confiture de fruits..............................................1000 mg/kg
Vins liquoreux......................................................400 mg/l
Vins blancs et rosés..............................................260 mg/l
(> 5g/l de sucres résiduels)
Vins blancs et rosés..............................................210 mg/l
Vins rouges............................................................160 mg/l
Marmelade............................................................100 mg/kg
Crevettes surgelées..............................................100 mg/kg
Cornichons................................................................50 mg/kg
Jus et Nectars de fruits...........................................10 mg/l (résiduel)
(Informations issus de la réglementation Européenne en matière de vins et des normes alimentaires CODEX FAO-OMS)
Exemple :
Ma DJA est de 69 kg (mon poids) x 0,7 mg/Jour = 48,3 mg/Jour.
C'est la dose maximale de sulfites que je peux ingérer par jour.
Nous considérons qu'un litre de vin est égal à 1 kg.
Je bois un verre de vin blanc (12 cl soit 120 g) sulfité à la dose maximale (210 mg/l), j'ingère 0,12 x 210 = 25,2 mg de sulfites, soit la moitié de ma dose journalière admissible.
Maintenant, je bois un verre de 12 cl de vin rouge sulfité à la dose maximale (160 mg/l), j'ingère 0,12 x 160 = 19,2 mg de sulfites, soit un peu moins que le verre de vin blanc mais la différence n’est pas flagrante. Donc, le vin rouge devrait lui aussi être responsable de maux de tête.
Maintenant, je mange 120 g d'abricots secs sulfités à la dose maximale autorisée (2000 mg/kg), j'ingère 0,12 x 2000 = 240 mg, soit presque 5 fois plus que ma DJA et presque 10 fois plus qu'avec mon verre de vin blanc. On mange rarement 120 g d’abricots secs alors même en divisant par deux ou par quatre la quantité ingérée, on est toujours largement supérieur à la DJA et à nos verres de vins rouges ou blancs.
Conclusion :
1 - Malgré les études scientifiques, on n’est pas vraiment sûr que le responsable des migraines soit le SO2 sauf pour les personnes déclarées intolérantes. Donc, si vous avez mal à la tête avec le vin blanc, vous aurez mal à la tête avec tous les produits contenant des sulfites. L'intolérance se conjugue en blanc comme en rouge.
Même pour les asthmatiques, ce n'est pas évident : voir Variation de l’hyperréactivité bronchique lors d’un test de provocation avec un vin contenant un taux élevé ou bas de sulfites chez des patients asthmatiques sensibles au vin : H. Vally, P. J. Thompson, N. L. A. Misso
Ces recherches peinent à isoler les effets des sulfites de ceux de l’alcool et des multiples composés du vin.
2 - On ne peut pas sur cette base incriminer ni les vins, ni le vin blanc. Quant aux sulfites, je n’ai jamais entendu qui que ce soit me dire que manger des fruits secs donnait mal à la tête. Les doses de sulfites peuvent pourtant être impressionnantes.
3 - Ces doses maximales autorisées sont rarement atteintes. Un mauvais producteur, une mauvaise hygiène, un mauvais millésime et les doses seront importantes. Un producteur responsable, un bon millésime, une hygiène parfaite et une approche raisonnée et réfléchie et le sulfitage sera restreint au minimum.
Voici les doses de sulfites présents dans les vins du Domaine Stéphane Cossais (un vigneron très précis, rigoureux, tendance bio et sensible à la question) à Montlouis sur ses blancs secs.
AOC Montlouis, Cuvée Le Volagré 2005 (blanc sec)
Etat sanitaire génial dans les vignes avant les vendanges
Soufre libre : 22 mg/l et Soufre total : 88 mg/l
AOC Montlouis, Cuvée Le Volagré 2006 (blanc sec)
Etat sanitaire dans les vignes nécessitant un gros travail de tri
Soufre libre : 25 mg/l et Soufre total : 93 mg/l
(Soufre total = Soufre libre + Soufre combiné)
Dans le vin, c'est le soufre libre qui donne mal à la tête. Le soufre combiné est présent dans le vin mais inactif puisque déjà utilisé. Vous pouvez constater que ces doses sont très en deçà des doses maximales.
Attention, le paradoxe : le syndrome anglais du Red Wine Headache
Britanniques, Américains et même Allemands se retrouvent sur un point : c’est le vin rouge qui donne mal à la tête (sic !). Les français racontent vraiment n’importe quoi.
Le RWHS, Red Wine Headache Syndrome, est aussi sérieusement traité dans ces pays que chez nous pour le vin blanc.
Plusieurs pistes d’études différentes sont étudiées :
- Les sulfites évidemment mais on a abordé le sujet précédemment.
- Les tannins sont fortement suspectés. Rappelons que ce sont des anti-oxydants, constituants naturels des raisins, que l’on retrouve dans les vins rouges. Ils augmenteraient la production de sérotonine, neuromédiateur ou neurotransmetteur, substance chimique de type aminé transmettant l’influx nerveux entre les neurones, et, entre un neurone et un muscle, dont la production semble être favorisée par les tannins, provoquant ainsi des maux de tête. Seulement, le soja, le thé et le chocolat contiennent également des tannins et on a jamais vu un britannique se plaindre de son Five O’clock Tea.
- Autre coupable possible, l’histamine contenue dans le vin : c’est une substance stockée dans les cellules et libérée dans des circonstances précises (comme les réactions d’hypersensibilité). En cas d’intolérance ou d’allergie, elle entraîne une vasodilatation et tous les symptômes liés à une allergie dont les céphalées. Si vous êtes allergique, les symptômes se produiront également si vous consommez du chocolat, des fromages tels le roquefort, des poissons marinés comme le hareng ou les sardines, des gibiers faisandés et les aliments fermentés. Mais je rappelle que l’on parle de maux de tête et non d’allergie majeure. Rien n’est prouvé à ce sujet.
- Dernier coupable envisagé, l’alcool. Et là, il y a une évidence certaine. On sait que boire de l’alcool (vin ou eau de vie, bières, …) provoque une déshydratation donc des céphalées et que l’alcool a la capacité de dilater les vaisseaux sanguins donc céphalées.
Alors, ce vin blanc ?
Avant tout, le vin blanc ne donne pas mal à la tête mais c’est culturellement ancré dans notre société et empreint d’une subjectivité exemplaire comme pour le vin rouge chez les Anglo-Saxons. Si vous avez mal à la tête avec du vin blanc, vous aurez mal à la tête avec du vin rouge ou des abricots secs. Autrement, c'est que vous êtes allergique à un ou plusieurs composés du vin : il faudra attendre que la recherche trouve.
Le grand coupable est certainement l’alcool avec ses effets connus sur la circulation sanguine et la déshydratation.
Autre coupable, l'intolérance aux sulfites, donc à tous les produits qui en contiennent, est prouvée d'où les maux de tête. Les progrès en matière de dosage de l’anhydride sulfureux font que normalement, on en trouve de moins en moins dans les vins.
Pour finir sur une note humoristique, n’hésitez pas à cliquer sur les deux liens ci-dessous pour vous rendre compte que les allergies sont un marché très florissant aux États-Unis :
http://www.jeunesse-eternelle.com/chaser-vin.htm
http://www.gizmodo.fr/2007/11/06/le_vin_des_martiens_donne_mal_a_la_tete.html
N’hésitez pas à laisser vos commentaires et à me corriger si nécessaire.
Cédric Bachelot
6 commentaires:
Bonjour,
Magnifique votre sujet. Qui n'est pas sans me rappeler le sujet d'Envoyé spécial du 1er octobre 09. Mais ici au moins on sait de quoi on parle. Bonne continuation.
Philippe
http://divine-bouteille.blogspot.com
Bonjour,
Étonnant! pourtant un verre de vin blanc donne bien mal à la tête! et il n'y a pas que des sulfites dans le vin blanc!
A vous peu être et à moi et beaucoup d'autres jamais. Ne faites pas d'un cas particulier une généralité ou d'une idée reçue, quelque chose de crédible et lisez ce texte avant de commenter.
L'article est super et très instructif ... mais j'ai souvent (toujours) des céphalées après 1 ou 2 verres de champagne / mousseux / vin blanc. Jamais avec du vin rouge dans les mêmes proportions s'entend.
Remarque constructive : l'être humain est une donnée essentiellement variable. Il peut fumer 2 paquets par jour et mourir à 100 ans d'autre chose que le cancer et son proche voisin non fumeur partir à 50 ans du cancer du fumeur !
Jacques de Toulouse
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
L ALCOOL EST CANCERIGENE COMME LA CIGARETTE .
1 seul verre d' alcool augmente le risque de cancer .
Etude INCa .
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Réponse pour Monsieur !!!!!!! :
l'air que vous respirez vous collera un cancer, la majorité des aliments de l'agroalimentaire que vous ingérez vous collera un cancer, l'eau que vous buvez contient tellement de saloperies que je préfère picoler. Chacun son cancer.
:)
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