jeudi 28 janvier 2010

Ethique commerciale dans le monde du vin : aïe, aïe, aïe !!!


Éthique commerciale dans le monde du vin

Aïe, aïe, aïe !!!





Peut-être suis je naïf ?
Peut être suis je trop jeune dans la profession puisqu'après tout, je n'ai que 3 ans de carrière derrière moi ?

Pour autant, je pense exercer un métier noble. Ce métier me passionne. Je me donne à fond dans ce que je fais. Je suis souvent intolérant pour certaines choses (les maturités, la qualité, ...), j'ai moi aussi mes propres idées reçues que j'essaye de battre en brèche dès que je peux (les dégustations sont là pour ça) mais il y a des choses que vous ne pouvez digérer.

Je tiens à vous faire partager ma dernière indigestion car je la trouve injuste, vu le mal que l'on se donne pour servir au mieux nos clients et nos domaines.


Les faits :

Fin décembre 2009, un de nos clients se présente au magasin et nous demande une grande quantité d'une cuvée X. Nous avons les vins en stock, le prix est affiché en magasin et est très bien placé (explications plus loin dans l'article). Le client nous présente alors un fax de ce même domaine lui proposant une offre commerciale très avantageuse sur la cuvée X : 20 à 22 % moins chère. Cette offre est valable ce même mois avec un franco de port (port gratuit) dès 36 bouteilles. Le client nous demande si on peut lui faire le même prix. On ne peut pas mais on lui fait un geste commercial important.


Réaction (s)

Stupéfaction de notre côté car se faire court-circuiter sur le mois de l'année le plus important par un domaine que vous représentez 365 jours par an (stocks immobilisés et mise en avant du domaine), dont vous appréciez les vins et qui respecte si peu votre travail, ça fout les boules. Pour les plus anciens de notre enseigne, ils connaissaient ces combines ou s'étaient déjà fait avoir par d'autres domaines du genre.

Pour le client, je ne sais pas ??? Il semblait gêné de nous avoir montré cette offre mais, de retour chez lui, il a dû quand même se dire : ce n'est pas des marges qu'il fait le caviste, il se goinfre littéralement sur notre dos (et il aurait raison de penser cela).


Au domaine, c'est différent.
Nous passons un premier appel et expliquons les évènements : la réponse est sans ambiguïté, OUI cette pratique existe, depuis très longtemps, validée par le domaine mais on ne nous en dit pas plus (gêne). Nous expliquons que c'est NOTRE crédibilité qui est écornée. On nous invite à rappeler le "Responsable ".
Deuxième appel. Ce n'est pas le responsable mais un assistant direct de celui-ci. Là, par contre, on nous prends pour des cons : jamais entendu parlé d'une telle démarche ??? (alors qu'ils avaient été francs et directs lors du premier appel)
Et la personne en rajoute : ce n'est quand même pas un intermédiaire qui aurait fait cela ??? (en citant des noms, évidemment).
Et rajout supplémentaire : " Vous n'allez pas remettre en question notre politique commerciale quand même ??? ".
Réponse : NON, après tout, vous faites ce que vous voulez mais notre CRÉDIBILITÉ est en jeu.


Pratique commerciale de ce domaine
(loin d'être un cas isolé sinon cet article n'aurait aucun intérêt)

Il faut savoir que pour obtenir un prix d'achat intéressant pour un caviste, il faut faire d'abord du volume (chez nous, avec trois boutiques, on s'en sort mieux qu'un caviste isolé) mais également acheter tout ou partie de la gamme pour obtenir des remises intéressantes et pouvoir se placer sur le marché au niveau des prix, ce que l'on a fait (en prenant notamment des cuvées qui ne nous parlaient pas spécialement pour rester poli).
Le résultat, on le connaît.


Pratique commerciale du caviste

Les marges de notre métier vont en moyenne de 1.8 à 2.5 (pour les cavistes les plus gourmands) à partir du prix HT. Sur les vins très chers à l'achat, il n'est pas rare que ces marges soient inférieures.

Exemple :
prix d'achat 1 euro
prix de vente 1.8 euros dont TVA 0.29 euro
soit pour le caviste 0.51 euro (pour payer charges, personnel, loyers, etc...).

Dans d'autres métiers, ces marges peuvent paraître énormes mais un petit caviste ne fait pas les volumes de grandes entreprises ou de la grande distribution.
Dans le commerce du textile par exemple, les marges peuvent s'envoler de 3 à 50, 60, ...


Pratique commerciale loyale du domaine
(qui travaille avec les cavistes)

Généralement, les domaines nous proposent des tarifs nous permettant, une fois notre marge appliquée, de vendre à un prix proche ou égal au domaine (pour des marges de caviste raisonnable soit 1.8 à 2 maximum). Chez Monsieur Vin, une majorité de nos vins sont au prix du domaine et une partie se trouve même moins cher. Lorsque nous ne pouvons pas être au prix du domaine, c'est que le vigneron joue moins le jeu ou ne le joue pas du tout. Les raisons sont de divers ordres : sa notoriété, ses volumes disponibles, une demande supérieure à l'offre, ...


Alors, stupéfaction ou crédulité ?

Crédule, ça, je l'ai été mais quand, avec d'autres professions, vous parlez de cette histoire, les personnes n'en reviennent pas d'un tel manque :

  • de courage (pour assumer les faits)
  • de respect du caviste et de son travail,
  • de respect du client ,
  • de crédibilité tarifaire (comment expliquer cela à un client ???)
  • de dédommagement (la remise que nous avons accordée au client parce que ce fax circule)
  • de professionnalisme tout court.

Ces domaines peu scrupuleux existent dans le milieu du vin. Ils sont concentrés dans certaines régions viticoles, pas toutes. Majoritairement, ils sont tenus par de grands investisseurs nationaux ou internationaux. Leur investissement doit avoir un rendement financier. Le terroir, les traditions, la confiance, la relation commerciale, ils s'en foutent.


Alors, que faire ?

Se couper du produit parce que l'humain n'assure pas (aucun vin n'est irremplaçable) ???

Le seul côté rassurant, c'est que ces gens là ne sont plus des vignerons depuis longtemps.Un vigneron est un homme de la terre, honnête, droit et respectueux de son environnement. Il entretient une relation de confiance avec les cavistes qu'il choisit et qui le représente.

Heureusement, à 99 %, nous avons des relations profondes avec les vignerons.
Nous adorons travailler avec eux.


Ne voulant pas risquer un procès en diffamation, aucun nom, aucune région, aucun domaine et aucun vin n'a été cité dans cet article (malheureusement).

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