jeudi 30 juillet 2009

Disparition de Stéphane Cossais : notre rencontre de décembre dernier.



Suite à la disparition de Stéphane Cossais,

voici l'article que j'avais publié sur le blog reseaumonsieurvin faisant suite à notre rencontre de décembre dernier avec le
Club de Dégustation de Mouvaux



Seconde Rencontre Vigneronne de l'année 2008 :
Stéphane Cossais, vigneron à Montlouis



Je pourrai intituler cet article :
Les 2 Mongols

Une année 2008 qui s'achève en beauté avec la rencontre de Stéphane.
Un vigneron brut de décoffrage, un petit nouveau de la profession (8 millésimes derrière lui) qui a tout lâché pour se lancer tête baissée dans la vigne.
Grognon lorsqu'il est question de faire de la présence dans les salons professionnels mais survolté et passionné lorsqu'il s'agit de faire partager sa gourmandise du métier.
Tout le groupe se joint à moi pour remercier vivement Stéphane pour ce moment passé en sa compagnie.



Parcours de Stéphane Cossais


Aucune attache familial dans le milieu du vin, Stéphane est un autodidacte de la vigne.
Après des études de Marketing et de Communication à Lille (1993), Stéphane va commencer à découvrir le vin et s'y attacher. Un service militaire plus loin, il travaillera pendant 4 ans à l'Orchestre de Lille. Sa passion du vin devient envahissante. Après un an à l'orchestre, il pense déjà à s'installer. Il participera d'ailleurs à une session de formation d'Eric Dugardin (aux côtés d'Alex Croquet).
1999 est un tournant. Il décide de franchir le pas.
Son objectif est simple : faire du Saumur-Champigny comme le Clos Rougeard.
Problème : l'argent manque. Il s'incrit en formation continue au Lycée Professionnel Agricole de Montreuil Bellay et ne se démonte pas pour se porter volontaire comme stagiaire au fameux Clos Rougeard. Un premier contact téléphonique peu fructueux ne l'arrête pas. Il se présente le 9 avril 1999 chez les Frères Foucault. Jusqu'en septembre, Nadi et Charlie vont le faire tourner en bourrique (ils n'ont jamais pris de stagiaire auparavent). Son insistance payera.
A l'usage, Charlie, le plus réfractaire à prendre un stagiaire, sera le plus instructif pour tout ce qui est technique. La majorité des questions que pose Stéphane se solde pas un : "Ça dépend." Nadi est lui plus loquace en dégustation et les deux compères vont beaucoup partager autour de flacons magnifiques. Et, au fil de cette année chez les Foucault, Stéphane va prendre goût aux grands Chenins blancs secs de la Loire, comme le Brézé du Clos Rougeard. Il change son fusil d'épaule, il produira des blancs secs et il choisit Montlouis comme port d'attache.


Pourquoi Montlouis ? des débuts difficiles.

Montlouis car c'est un terroir qui l'attire.
Montlouis aussi parce que les terres sont plus accessibles financièrement.
Il demandera de l'aide à Jacky Blot sans résultat. Il obtiendra finalement des terres grâce à François Chidaine, par l'intermédiaire des frères Foucault (une fois de plus).
Problème : toujours pas un sou en poche. 2 solutions : la création d'une société ou une souscription auprès des amis et relations (ceux ci financent les débuts de Stéphane qui les rémunèrent en vin pendant 5 ans).

Millésime 2001
Un premier millésime catastrophique. Il vendange maigrement à 12 hl/ha. Son premier vin est élevé en fûts neufs : il en obtiendra un magnifique jus de planche. Deux mois après la mise, les bouteilles se révèlent plein de déviances.
Au niveau commercialisation, ce sera la bérésina. Sur 6000 bouteilles, il en vendra 300, bradées.


Millésime 2002
Il obtient des aides car stéphane entâme une conversion en bio. Il achète quelques barriques
d'occasion. Son banquier continue de le soutenir malgré la mévente des 2001.
2002 sera vendangé trop tard selon Stéphane.

Millésime 2003
9 hl/ha après le gel de cette année 2003. C'est une année difficile qui attend Stéphane avec la mise en recouvrement de ses comptes bancaires puis son éviction de la banque. Côté vignes, à l'époque, il exploite une vigne de rouges dont il fait un rosé qui cartonne.
Il redémarre grâce à ces ventes car tout sera vendu cette année là. Une seconde souscription, une nouvelle banque et un mécène plus tard, c'est reparti.

Millésime 2004
Une année de grande tension même si elle voit s'envoler la réputation des vins de Stéphane. Le propriétaire de ses vignes le poursuit en justice pour non entretien des parcelles (Petite explication : Stéphane est en bio et son propriétaire a plutôt une culture du tout chimique. Pas un brin d'herbe qui dépasse. Stéphane aura gain de cause en conciliation.). Côté vigne, gel et grêle au rendez vous mais très beau millésime. 2004 commence à ressembler aux vins qu'il veut produire. Avec les problèmes de banque, un coup de déprime. Heureusement, le salon d'Angers va le révéler. La presse s'y met. Tout est vendu à la fin du salon et même 3200 bouteilles de 2001 plein pot.
Après avoir essayé des rouges, des rosés, un rosé sec à base de Côt et un Gamay moelleux, il se sépare des vignes rouges pour ne se concentrer que sur les blancs.

Millésime 2005
Très grand millésime qui permet à Stéphane d'affiner sa patte même si il considère que les vins sont encore trop boisés.
12 000 bouteilles.

Millésime 2006
Une erreur dans les tailles fait baisser ses rendements à 7 000 bouteilles produites.


Sa Philosophie

Un esprit critique asserré sur ses vins et un éternel insatisfait (pas au sens péjoratif).
Il passe pour un original ou un mec anormal à Montlouis alors qu'ailleurs, rien ne le démarquerai si ce n'est par la qualité. Ce n'est pas un choix mais un constat car il ne produit que des blancs secs avec de l'élevage pour la garde sur un territoire dévoué à toutes les déclinaisons, des secs aux liquoreux, en passant par les bulles.
Un métier qu'il veut passion mais dont il ne veut pas devenir esclave d'où son choix d'une petite surface (à terme 4/5 hectares maximum soit 15 à 20 000 bouteilles par an), pas de salarié et surtout pas des contraintes commerciales.
Il a 1 vin en tête : un vin qui a une vraie colonne vertébrale, net, droit et précis, qui tient en bouche avec de la longueur, un respect du terroir avec la finesse et la minéralité qu'il apporte et ce supplément d'âme que le vigneron procure.


Terroir


3 hectares aujourd'hui.
Situés sur les premières côtes de Montlouis, juste au dessus du village, les sols sont composés principalement d'argiles à silex sur un sous sol de tuffeau (roche mère calcaire qui affleure). Un terroir peu fertile mais où il faut maîtriser le Chenin, qui est par nature très productif.


Viticulture

Vignes d'une quinzaine d'années
Converti en bio
Travail des sols
Taille sévère à 6 bourgeons fructifères (généralement à 8 dans les autres domaines)
Il évite les vendanges en vert qui augmentent la production sur l'année suivante.
Il adapte ses travaux au millésime.


Oenologie

Récolte à maturité
Vendange manuelle
Tries très sévères
Sulfitage au moment du débourbage et rien jusqu'à la mise en bouteille.
Élevage en demi-muids de plusieurs vins
Pas de recherche de malolactique, le vin se fait seul.


Les Vins du domaine

Historiquement, trois cuvées sont produites en blancs secs sur le domaine (noms cadastraux des parcelles) :

Maison Marchandelle

Le Volagré

Clos Renard

A terme, il ne demeurera que Le Volagré (a priori).
Je passe volontairement sur les rouges et les rosés qui ont été produit dans le passé mais qui ne sont plus d'actualités.



Verticale Domaine Stéphane Cossais
Mercredi 17 décembre 2008



Voici les cuvées dégustées dans cet ordre :


AOC Montlouis " Le Volagré " 2007
Domaine Stéphane Cossais


Ce vin est encore en élevage et n'a pas encore reçu d'agrément. Stéphane a fait un assemblage de ces 15 demi muids (pas un n'est neuf) de 400 litres dans une bouteille.

2007 est un très beau millésime. La matière rappelle les 2005. Un peu sur la réduction au départ, le nez est sur la poire, affichant une très belle fraîcheur et une belle minéralité. La bouche est sur la tension, très nette et droite. Après 3 heures en carafe, le fruit se fait plus net, plus gourmand et mûr. Une belle pureté affichée pour un 2007 qui devrait être au niveau de 2005 en terme de matière mais nettement supérieur en terme d'élevage.


AOC Montlouis " Le Volagré " 2006
Domaine Stéphane Cossais


Voici un millésime plus riche et imposant.
Un vin sur la générosité et l'opulence, moins sur la finesse et la minéralité.
La garde sera plus courte que 2005. C'est un régal dès maintenant. Pour ma part, j'aime boire les Chenins blancs sur la jeunesse.

Au nez, 2006 se révèle moins massif que 2005, moins explosif. La minéralité apparaît après une heure de carafe. Des arômes de fruits blancs (pêche de vigne), une touche de fruits de la passion et quelques notes de bois exotiques affichent une très belle maturité. La bouche est élégante, fraîcheur et équilibre. Le minéral est très présent au goût.


AOC Montlouis " Le Volagré " 2005
Domaine Stéphane Cossais


Voilà un petit monstre en puissance. Ce fameux 2005, à la minéralité presque déroutante mais totalement jouissive, qui domine un nez fin et élégant. La matière est monstrueuse en bouche. C'est pour moi une des plus belles sinon la plus belle réussite à Montlouis en sec sur 2005.








AOC Montlouis " Le Volagré " 2004
Domaine Stéphane Cossais


Millésime le moins mûr de tous.
Le vin semble actuellement dans une phase difficile. Quelques signes de manque de maturité mais l'essentiel y est.
C'est sur ce millésime que j'ai découvert le Volagré.








AOC Montlouis " Maison Marchandelle Dix Huit Mois " 2002
Domaine Stéphane Cossais


Nez évolué, sur la pâte de coing, la poire très mûre et le miel. Très agréable. Bouche encore fraîche, présentant une légère amertume en finale. L'évolution est agréable.






Les Bons Mots de ou autour de Stéphane Cossais


Le Crédit Mutuel le décrit comme "Un gentil Fou".

Le Crédit Agricole comme "Une Start-Up de la Viticulture".

Jim' Loire (Blog anglosaxon) :
"Stéphane Cossais, the José Mourinho of Montlouis".

"Le Volagré, une cuvée jouissive à produire". Stéphane Cossais



Plus d'infos sur Stéphane (en anglais) sur

jimsloire


Vous pouvez retrouver une interview de Stéphane sur le site cuisine en ligne :

cuisineenligne.com


1 commentaire:

Unknown a dit…

Sa disparition me touche beaucoup.
Je ne le connais pas mais je me rappele avoir eu une véritable révélation en goûtant Le Volagré 2005 lors d'une dégustation à Mouvaux. Je l'ai trouvé magique et j'avais pris une claque. Depuis ce jour,c'est un peu comme une référence pour mon palais.

Il me reste une bouteille de Volagré 2006... Sa dégustation sera surement un moment très particulier...

Merci à lui pour son travail, et toutes mes condoléances à sa famille